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La crise ? C’est « moins pire que prévu. »

3 Octobre 2013 , Rédigé par Admin Publié dans #ECONOMIE

Il ne se passe pas un jour sans qu'un indicateur économique ne vienne souligner l'ampleur de la crise mais, comme ils sont toujours "mieux qu'attendu" ou "moins pires que prévu", on s'autorise à continuer à foncer pied au plancher vers l'abime ou la falaise, (au choix du lecteur ).

Ainsi "Le bâtiment va mieux que prévu, mais perd des emplois" ( les Echos du 18/09/13), " H&M fait mieux que prévu en août" Capital.fr le 16/09/13 "Croissance : la France fait mieux que attendu pour le moment" Challenges 27/09/13 . En Espagne,la presse révèle ce jour que les chiffres du chômage repartent à la hausse en septembre mais"Ces chiffres sont meilleurs que ce que j'attendais. Pour autant, on reste dans un scénario de consolidation plutôt que d'amélioration durable (du marché du travail)", commente Jose Luis Martinez, économiste chez Citi à Madrid. Bref tout semble aller "mieux que prévu" dans ce monde en crise . Ce constat autorise les banquiers et les actionnaires, à continuer à se goinfrer sans se soucier du sort réel des entreprises, avec des indices boursiers qui ne cessent d'exploser à la hausse. Les responsables politiques, quant à eux, continuent à ne se préoccuper en priorité que de leurs privilèges et des intérêts de ceux qui, par des pratiques obscures de lobbying, réussissent à gagner leurs faveurs. Par des batailles politiques, bien éloignées des préoccupations du plus grand nombre, ceux qui se sont accaparé la représentation populaire, sont disposés à mettre en péril le sort de millions de leurs concitoyens, sans se préoccuper du désastre qui s'annonce. Les exemples de ces derniers jours illustrent le propos.

AUX ÉTATS-UNIS, C'EST "SHUTDOWN", MAIS ON N'EN MEURT PAS.

Depuis ce 1er octobre, un million de fonctionnaires travaille sans solde, un autre petit million (800 000 ) est au chômage technique à cause de la prise en otage par l'aile droite du parti républicain, le Tea-party, de la mise en application de la réforme sur l'assurance maladie obligatoire "Obamacare", prévue pour ce même 1er octobre. Déjà en 1995 ,un blocage avait eu lieu sur le vote du budget fédéral 1996, sous le premier mandat de Bill Clinton. La Chambre à majorité républicaine avait voté un texte limitant les dépenses de santé, vote aussitôt suivi d'un veto de Bill Clinton. En 1995, c'était le financement de Medicare -la couverture santé des plus de 65 ans - qui était à l'origine de la crise budgétaire.

Ces derniers jours, Martin Stutzman, parlementaire républicain de l’Indiana a déclaré : L'assurance-maladie pour tous « ralentirait l’économie davantage qu’une fermeture de l’administration ».

Les conséquences sur la vie quotidienne des Américains ne sont pas négligeables,(1) mais peu importe, « Historiquement, c'est une bonne occasion de faire des affaires en Bourse », rappelle Art Hogan, de la banque Lazard, à New York.

Les médias banalisent l'affaire en répétant en boucle que, depuis les années 70, il y aurait eu déjà une vingtaine de fermetures des services fédéraux et les Etats-unis y ont toujours survécu. Mais depuis 1995, les conditions se sont considérablement dégradées. Aujourd'hui la dette des États-Unis explose, les obligations d’État ne sont plus sous contrôle malgré les injections massives de dollars de la part de la Fed, la croissance est atone, les taux des dettes des municipalités sont insoutenables et le poids des prêts étudiants pèse de plus en plus lourd sur les nouveaux entrants sur le marché du travail. Vue la situation de l'économie américaine et mondiale, il est particulièrement irresponsable d'ajouter aux difficultés réelles qu'affrontent quotidiennement les Américains d'autres difficultés que l'on aurait pu éviter.

Pour ajouter à cette crise politique, dans deux semaines, le 17 octobre, la dette atteindra son plafond de l'année, fixé à 16.700 milliards de dollars. Pour éviter la faillite du pays, le gouvernement devra à nouveau négocier avec le parti républicain le relèvement de ce fameux plafond. Jusqu'où sont capables d'aller les ultras du Tea-party dans leur opposition frontale à la politique d'Obama ? Tout est possible,même le pire, dans ce jeu de pouvoir et d'effets de manche, occupés à leurs affaires, certains font trop souvent fi de la cruelle réalité de la crise. Mais qu'importe, on espère toujours que l'autre camp pliera avec une trouvaille de dernière minute. Un ultime compromis permettant à nouveau de reporter à plus tard la résolution des problèmes. Les experts affirmeront alors, haut et fort que " c'est moins pire que prévu" et pour couronner le tout Ben Bernanke de la Fed , à son pot de départ, offrira une tournée générale en prolongeant le "Quantitative Easing" N°3 pour que les indices boursiers de Wall Street atteignent de nouveaux sommets, pour un dernier shoot avant... que les lumières ne s’éteignent ...

EN ITALIE, LA MAUVAISE FARCE CONTINUE

A Rome, depuis vendredi passé, une commedia dell'arte de très mauvais goût est servie au peuple italien qui est condamné au rôle ingrat de spectateur.

Le grotesque bouffon dénommé " il Cavaliere" ne cesse, depuis quelques années, au gré de ses démêlées avec la justice, de prendre en otage son pays. Pour sauver sa peau, en obligeant les ministres de son parti à démissionner, il était prêt à provoquer une nouvelle tempête politique et à faire basculer l'Italie dans une violente crise économique.

Mais cette fois encore c'est " moins pire qu'attendu" ; par le jeu des "combinaziones" et des trahisons de quelques sénateurs du "parti du Peuple de la Liberté" et des retournements de dernière minute du leader du PL, Enrico Letta, arrache de justesse,ce 2 octobre, la confiance au sénat, pour quelques mois encore, en attendant le prochain coup tordu de cet obscène personnage de la vie publique italienne. Avec une dette de plus de 130% du PIB à la fin 2013 ( plus de 2 000 milliards) et des taux d'intérêt sur 10 ans de l'ordre de 4.5 %, avec un recul du P.I.B de 1,9% cette année, il ne fait aucun doute que le fardeau du service de la dette italienne va encore s'alourdir et peser encore plus sur les épaules des plus fragiles.

DE PARTOUT C'EST MOINS PIRE QU’ANNONCÉ

En Grèce avec l'arrestation des dirigeants du parti d'extrême droite "Aube Dorée" après l'assassinat de Pavlos Fyssa, c'est moins pire que prévu car on aurait peut-être déjoué une tentative de coup d’État de la part d'une frange nationaliste de l'armée liée à l'extrême droite.

Au Portugal , malgré la victoire de l'opposition aux élections municipales, pour les marchés c'est peut-être mieux que ce que l'on pensait, car le gouvernement a déclaré qu'il va continuer sa politique d'austérité.

En Autriche, malgré la forte poussée de l'extrême droite, la grande coalition des sociaux-démocrates et des conservateurs devrait conserver la majorité à la chambre ce 4 octobre, après le dépouillement des votes par correspondance. Ici aussi ça aurait pu être pire !

En Allemagne, malgré la victoire personnelle d'Angela Merkel, ce sera aussi une grande coalition avec le SPD ce qui, pour les libéraux est moins pire qu'une coalition Rouge-Rose-Vert qui est mathématiquement majoritaire à la chambre des députés.

En France, nulle doute qu'après les municipales et la forte poussée du Front National, mais sans victoire significative dans les grands centres urbains, ce sera moins pire que ce que semble prédirent actuellement tous les sondages.

FACE A LA CRISE : LA POLITIQUE DU MOINS PIRE

Par ce rapide tour de l'actualité on note combien la politique "du moins pire que prévu" est couramment utilisée pour gouverner en gérant au jour le jour, le regard collé sur quelques indicateurs, sans rien changer à l'ordre des choses. On laisse insidieusement entendre que, sans les mesurettes prises six mois auparavant, ce serait "beaucoup plus pire encore". Face à la crise, l'ensemble de l'élite politique mondiale se retrouve de G20 en G20 pour proclamer leur satisfaction devant l'évolution insignifiante de quelques indicateurs et leur compétence à ne rien changer ; On nous propose de simplement composer avec les conséquences de cette crise qui s'incruste , négocier un petit sursis, un arrangement, un accommodement pour que ça soit moins pire qu'annoncé. Il ne faut surtout pas le provoquer et menacer de prendre des mesures radicales qui permettrait de le juguler, celui qui en est la cause de cette maudite crise : le pouvoir occulte de l'argent. On ne va tout de même pas se faire peur et inquiéter ceux qui en douce se goinfrent (3)

Partout, beaucoup se détournent de cette triste comédie qui ne trompe plus personne. Avec le sentiment d'être abandonnés et trahis par leurs représentants politiques, nombreux sont ceux qui se laissent séduire, en désespoir de cause, par les sirènes du populisme dont on ne mesure pas encore, en haut lieu, tout le danger. Bientôt les grandes coalitions politiques ne seront plus assez grandes pour faire barrage à ce nouveau tsunami brunâtre et cette fois, la situation risque bien d'être "plus pire que prévu".

Comme dans l'allégorie de la grenouille ébouillantée, avec la politique MPQP (2), on va, s'engourdir lentement jusqu'à l' issue fatale, au lieu, dans l'intérêt du plus grand nombre, de réagir avec détermination et de prendre les décisions qui s'imposent pour remettre à l'endroit ce qui est sans dessus dessous et mettre hors d'état de nuire les fauteurs de crise. Sinon, dans notre lent évanouissement ,on ne pourra que se lamenter, en pensant que parmi nos élites qui échapperont à cette douce fin, certains n'hésiteront pas à nouveau à composer avec le diable. Ils seront alors bien les seuls à pouvoir encore affirmer haut et fort : "Ce fut moins pire que prévu".

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(1) "Barack Obama lui-même sera touché dans son quotidien. Les trois quarts des 1701 fonctionnaires affectés à la Maison-Blanche sont en effet privés de travail, d'après le plan de crise de l'administration présidentielle. Barack Obama disposera de moins de personnel pour lui faire la cuisine, passer l'aspirateur dans le Bureau Ovale mais aussi pour surveiller l'économie ou même le conseiller en matière de sécurité.

À Washington DC, la collecte des ordures et le nettoyage de la voirie seront interrompus. Près d'un million de fonctionnaires, essentiellement dans la capitale, peuvent se retrouver, à partir de ce mardi matin, au chômage technique. Et pas question de travailler à la maison : les agents du fisc qui seraient tentés de se connecter chez eux, par conscience professionnelle, seraient repérés par le système informatique et risqueraient leur place pour de bon !

La plupart des grandes administrations vont tourner au ralenti. Au Pentagone, 400.000 civils - soit la moitié des effectifs - recevront dès ce mardi un courrier leur signifiant leur mise au chômage technique. Quant aux militaires, ils seront tenus de remplir leur devoir le paiement de leur solde sera différé, a prévenu Barack Obama lundi soir.

Quelque 90.000 agents des impôts vont cesser le travail. Au ministère de la Justice, 18.000 des 115.000 fonctionnaires vont devoir cesser le travail. Les procès civils vont être retardés par milliers.

Dans le domaine de la santé, l'hôpital de Bethesda, dans la banlieue de Washington, qui dépend des Instituts nationaux de la santé, refusera tout nouveau malade.

Comme il y a dix-sept ans, les musées fédéraux, les parcs nationaux, les agents du ministère de l'Environnement seront contraints de cesser leur activité.

Barack Obama, tout en dramatisant l'enjeu, dans une intervention télévisée lundi soir, a rassuré les deux astronautes américains actuellement en orbite sur la station spatiale internationale : la Nasa fermera dès mardi matin mais pas le centre de contrôle des missions." Le Figaro- "Le Shutdown en six questions"

(2) Moins Pire Que Prévu

(3) "Entre 2008 et 2010, les 10 % les plus pauvres ont perdu 520 millions d’euros, alors que les 10 % les plus riches se sont enrichis de 14 milliards "- Observatoire des inégalités

par Karol

Source

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-crise-c-est-moins-pire-que-141677

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